ENOV, cabinet d’études marketing et innovation

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Le Design Thinking : un processus cadré qui sort du cadre !

L’approche design thinking, mode d’emploi !

On n’a rien sans rien ! En l’occurrence, l’approche design thinking est exigeante de par le principe d’itération que sous-tend celle-ci ; elle suppose en outre une certaine capacité des parties prenantes à ne pas s’arcbouter sur une route parfaitement pré-établie, ainsi qu’une bonne dose d’humilité ! Mais c’est bien le juste prix à payer en contrepartie de la formidable efficacité qu’elle est susceptible d’apporter dans la recherche des innovations. Elodie-Anne Gandelin, experte quali chez Enov, a décortiqué l’approche design thinking pour Market Research News.

Est-ce qu’il n’y a pas un petit effet de mode autour de l’approche design thinking ? Comment s’exprime donc la demande ?

Il y a indéniablement un effet de curiosité. Mais il y a aussi une forme de méfiance. Il est même préférable pour certains de nos clients de ne pas utiliser ce terme qui fait un peu peur, parce que synonyme pour eux de « grosse machinerie ».

En termes de besoin, le dénominateur commun est celui de mettre en place un processus d’innovation efficace et customer centric. Nos interlocuteurs veulent aboutir à des idées qui puissent réellement être implémentées. Cela s’inscrit parfois dans un cadre où l’objectif est de générer des innovations de rupture, notamment sur des marchés fortement saturés : les équipes sont alors conscientes de la difficulté de l’exercice, ainsi que de la nécessité de sortir de leurs process habituels et de certains schémas mentaux. Mais le besoin peut tout aussi bien être de nature beaucoup plus tactique, l’idée étant d’aboutir rapidement à quelque chose de « malin » !

Sortir des process habituels : mais encore ? Quelles sont plus précisément les limites dont les entreprises doivent s’affranchir ?

Il y a une vraie conscience de la nécessité de mettre en place des équipes pluridisciplinaires, pour dépasser les éventuels enjeux politiques internes et s’assurer qu’il y a bien une vision partagée à la fois des besoins des clients, mais aussi de la faisabilité de l’innovation. Dans certains cas les organisations sont complexes, avec des équipes réparties dans différentes entités et même sur plusieurs sites. Il faut donc trouver les modalités idéales pour que celles-ci puissent travailler ensemble, vite et bien !

Il y a par ailleurs au sein des entreprises une conscience accrue de la nécessité d’adopter une vision beaucoup plus Customer Centric que par le passé, en particulier sur des univers où les modèles économiques des entreprises sont fortement challengés. Cela suppose de raisonner avec une vision de plus en plus large du client et de son expérience. La digitalisation accélérée des processus d’achat joue un rôle essentiel dans cette prise de conscience.

Classiquement, l’approche design thinking est structurée autour de 5 à 7 grandes étapes… Quelle est votre philosophie sur ce point ?

Grâce à notre méthode CUBE, nous déployons l’approche design thinking sur un nombre plus réduit d’étapes, 3 en l’occurrence, avec une phase dédiée à l’immersion, dont l’enjeu essentiel est de connecter le mieux possible l’équipe projet aux perceptions et aux pratiques des consommateurs avec une vision très ethno, puis la génération d’idées avec ce que l’on peut appeler leur « prototypage », et enfin le moment du « check », de la validation pour s’assurer de la compatibilité des idées avec les besoins de départ. Le processus n’est pas toujours linéaire : il doit être animé selon un principe d’itération avec les consommateurs, jusqu’au moment où les idées sont faisables pour l’entreprise tout en apportant de vraies réponses aux besoins des utilisateurs. Il faut donc s’autoriser à refaire une boucle si nécessaire et ne pas vouloir aller trop vite.

Quels moyens préconisez-vous pour cette phase d’immersion ?

Tous les moyens ou presque sont bons ! Nous disposons d’une très forte expérience dans l’organisation et l’animation de communautés qui prennent la forme d’un Lab’ dans ce cas. C’est potentiellement un excellent outil à la fois pour se connecter aux consommateurs et partager cette vision au sein de l’équipe projet. Mais il est naturellement possible d’utiliser d’autres techniques. Au global, l’idée clé est de multiplier les angles de vue permettant de s’imprégner du vécu des consommateurs, ce qui est extrêmement important pour la phase suivante de recherche des idées.

« Pour que cela fonctionne, il est nécessaire que l’équipe projet adopte une posture mentale bien particulière et accepte de bousculer sa vision ou ses croyances »

De votre point de vue, quels sont les facteurs décisifs pour assurer la réussite de ce type de projets ?

La qualité de cette phase d’immersion est clé. Les membres de l’équipe projet savent naturellement beaucoup de choses sur leurs clients. Mais il est nécessaire qu’ils adoptent une posture mentale bien particulière et qu’ils acceptent de bousculer leurs visions ou leurs croyances. Par exemple les photos ou des vidéos postées par les consommateurs dans le cadre des communautés, ont régulièrement pour effet de remettre en cause des a priori, et permettent que cette vision soit à la fois très claire et partagée. Cela lève les « oui mais »…

Il existe également un enjeu très fort sur le bon prototypage des idées dans la phase suivante. Cela demande là encore sortir des habitudes et du mode de formalisation classique des concepts marketing, avec une promesse et des « reasons to believe ». Il s’agit de « prototyper » une expérience client, avec des moyens très simples : des dessins, des vidéos… ou même de la pâte à modeler… ou des moyens plus sophistiqués de type imprimante 3D. La clé est de donner vie à des idées, avec un juste équilibre : il faut que cela parle aux consommateurs, mais aussi que cela soit très modulable de façon à ce qu’ils puissent facilement rebondir sur ce qui leur est présenté. En pratique, ce prototypage se fait en deux phases : l’une pour décrire l’expérience de sorte à ce que cela parle à l’ensemble des personnes concernées dans l’entreprise, avec la question de la faisabilité ; et l’autre pour trouver la meilleure façon de la partager avec les consommateurs.

C’est là que se joue la possibilité de bien appliquer ce principe d’itération que vous évoquiez précédemment ?

Absolument. Cette mécanique est fondamentale. On ne peut utiliser le terme de Design Thinking si l’itération n’est pas au cœur du processus.

« L’un des grands pièges à éviter est de se laisser enfermer dans ce qui n’est qu’un outil et de perdre de vue l’objectif final »

Quels sont les pièges à éviter, les facteurs possibles d’échecs lorsqu’on utilise l’approche Design Thinking ?

Il faut impérativement être conscient du degré d’exigence qu’implique ce type de processus pour l’ensemble des participants. C’est le propre de toute démarche mobilisant une équipe pluridisciplinaire, avec un délai serré et l’impératif d’aboutir à quelque chose de valable. La confrontation très directe avec la vision des consommateurs peut également être déstabilisante. C’est particulièrement le cas lorsque la phase d’immersion s’effectue avec la mise en place d’une communauté. Dans ce cas de figure, tout se passe vite, mais il ne faut pas se tromper. Les consommateurs ont fait l’effort d’exprimer leurs besoins… S’ils ont le sentiment que les propositions ne répondent qu’insuffisamment à leurs besoins, leurs réactions peuvent être cinglantes !

Au-delà de cette difficulté dont l’entreprise doit être consciente avant de se lancer dans ce type de démarche, l’un des grands pièges à éviter est de se laisser enfermer dans ce qui n’est qu’un outil et de perdre de vue l’objectif final. Il faut éviter est de devenir prisonnier du process !

Et de l’agenda qui va avec ?

Exactement ! Même si cela n’est pas toujours si facile, il faut admettre la nécessité de devoir s’écarter du chemin préétabli si le besoin s’en fait ressentir. L’itération fait la force du processus, il faut laisser les portes ouvertes à la créativité, et accepter qu’une partie du projet n’est pas pré-écrite. C’est un exercice qui demande donc dans l’idéal une forme de lâcher-prise, mais aussi une bonne dose d’humilité.

Notre rôle est clé pour concilier l’exigence de la qualité du livrable et les enjeux d’agenda.

Interview publiée avec l’autorisation de Market Research News

EN SAVOIR +

Contact chez Enov Research

Virginie Gautereau

Responsable Pôle Quali Retail & Transports