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Baro de sat : « Mieux vaut les dynamiser que les dynamiter ! »

Comment mesurer la satisfaction client ?

Thierry Semblat de Market Research News a fait le point avec Pascal Ferrero, Directeur Général d’Enov, sur les solutions pour mesurer la satisfaction client, et plus précisément sur les baromètres de satisfaction : faut-il les dynamiter ? Pour Pascal, l’impératif est au contraire de les dynamiser. En les utilisant pour ce qu’ils devraient être — des outils stratégiques servant à définir des priorités — avec tout ce que cela implique méthodologiquement. En les rendant plus évolutifs qu’ils ne le sont souvent. Et enfin en les complétant avec des outils de pilotage opérationnels de l’expérience client, l’articulation de ces deux familles de dispositifs méritant une attention toute particulière, avec un rôle clé des équipes études.

MRNews : Quelles évolutions vous semblent les plus marquantes dans les demandes ou les besoins des entreprises pour mesurer la satisfaction client ?

Pascal Ferrero (Enov) : Je suis frappé par la frustration qu’éprouvent souvent les équipes des entreprises vis-à-vis de ces baromètres de satisfaction client, qui se sont très largement diffusés. Elles estiment — et certainement à raison — que ces dispositifs sont rigoureusement indispensables, mais elles ont aussi fortement conscience de leurs limites sur le plan opérationnel. Elles se disent qu’il faudrait faire évoluer ces outils, notamment pour pouvoir donner des éclairages plus opérationnels, plus pertinents en termes de timing, mais elles se sentent bloquées « managérialement », l’historique des mesures de satisfaction client étant certes un capital, mais également un carcan.

D’où la tentation parfois d’utiliser la dynamite ?

Ah oui, il peut y avoir des dynamiteurs ! (rires). Il est vrai que ce sentiment peut pousser les entreprises à s’engager à fond dans la mise en place de nouveaux systèmes de monitoring pour mesurer la satisfaction client. Ces systèmes sont très opérationnels, avec un suivi de la satisfaction à chaud sur des moments de l’expérience client bien précis. Mais cette option fait prendre un gros risque… Celui de perdre la dimension stratégique, historiquement associée à ces outils, si elles font le choix exclusif du monitoring à chaud. Ou bien encore de se retrouver avec beaucoup de dissonances qui deviennent vite ingérables. Un dispositif dit blanc, l’autre noir… Ce n’est jamais bon pour donner l’envie d’agir ! En réalité, l’entreprise a vraiment besoin de ces deux types d’éclairages, le stratégique et l’opérationnel, l’impératif étant de trouver la bonne articulation entre les deux pour faire de l’expérience client une vraie priorité.

Quelles sont vos convictions sur la meilleure façon de sortir de cette frustration que vous évoquez ?

Il me semble que la première des priorités est de redonner sa juste place au baromètre de satisfaction : sa vocation est d’être un outil stratégique pour l’entreprise. Lui demander de répondre à tous les besoins mène assez sûrement à une impasse. Cela ne signifie pas qu’il doit être immuable. Il doit être évolutif au contraire, et être complété par d’autres dispositifs permettant d’apporter les éclairages opérationnels dont les équipes ont besoin. Mais je crois qu’il faut le penser comme étant un socle, comme un outil d’aide à la hiérarchisation des priorités de ce qui compte vraiment dans la satisfaction du client au global. Le définir comme tel — avec ce rôle bien spécifique — a des conséquences importantes, notamment sur les options méthodologiques à retenir.

Quelles sont ces conséquences ?

Je vois au moins deux points essentiels. À la différence des dispositifs opérationnels de suivi, qui mettent la focale sur des moments d’expérience bien précis, le baromètre de satisfaction doit assurer une bonne représentativité de l’ensemble de la clientèle. Y compris donc de la majorité potentiellement silencieuse des clients n’ayant que peu ou pas de contacts avec la marque. Idéalement, il doit aussi permettre un benchmark : pouvoir se situer par rapport aux concurrents fait partie des éclairages stratégiques importants. Les choix méthodologiques — les modalités de recueil et la taille des échantillons — doivent tenir compte de cet impératif.

« Les clients nous parlent de plus en plus de baromètre d’expérience clients plutôt que de baromètre de satisfaction »

L’outil doit être représentatif des clients et même du marché, et suffisamment robuste pour effectuer les comparaisons nécessaires et suivre les évolutions…

Absolument. Le second point clé est qu’il doit mesurer la satisfaction sur l’ensemble des principaux processus construisant l’expérience client, ainsi que sur la globalité du parcours client (et notamment sur les moments de vérité) : avant, pendant, et après. Les annonceurs nous parlent d’ailleurs de plus en plus de baromètre d’expérience clients plutôt que de baromètre de satisfaction.

L’offre, le service, la relation,… il importe d’avoir une vision holistique, en intégrant la perception de la marque, qui a un rôle souvent décisif dans la satisfaction des clients. Ces deux conditions permettent d’avoir un outil éclairant sur les leviers prioritaires à actionner pour optimiser la satisfaction globale. C’est avec lui que les équipes peuvent identifier là où elles auraient intérêt à produire du « delight » pour les consommateurs et donc à investir efficacement leurs ressources.

Quels sont de votre point de vue les meilleurs KPI ? Et, par ailleurs, comment peut-on s’assurer de bien faire le tour de l’expérience client ?

La question des KPI idéaux n’est pas la plus facile… Beaucoup d’entreprises se sont appropriées le NPS (Net Promoter Score), même si l’engouement pour celui-ci semble retomber un peu. Le Customer Effort Score peut être intéressant dans certains cas. Je préfère pour ma part être relativement prudent, en intégrant plusieurs de ces grands indicateurs — indice de satisfaction globale compris — pour faire en sorte que l’entreprise ne soit pas exposée aux effets de mode, et lui permettre ainsi de préserver au maximum la continuité des mesures.

Pour s’assurer du caractère holistique de l’outil, je crois que tous les moyens sont bons, le premier réflexe néanmoins étant d’épouser le point de vue du client plutôt que de dérouler les processus de l’entreprise. Des démarches qualitatives apportent des éclairages précieux, mais un travail d’analyse du web et des réseaux sociaux — là où les clients s’expriment sur leur vécu — peut aussi y contribuer. Les analyses statistiques ont également leur utilité : elles permettent de valider si le modèle est suffisamment complet ou pas.

Mais, et ce point me semble extrêmement important, l’expérience des clients n’est pas figée, elle évolue dans le temps avec la qualité de service délivrée. L’entreprise doit donc veiller en permanence à la bonne prise en compte des changements, et l’outil lui-même doit être évolutif. Si une composante n’a aucun impact sur la satisfaction client, il n’est sans doute pas nécessaire de la suivre. Et à contrario, si une nouvelle apparaît, elle doit très vite pouvoir être intégrée.

Pour mesurer la satisfaction client, le baromètre a donc valeur de socle. Mais il doit pouvoir évoluer et être complété par d’autres dispositifs…

Absolument. Une fois que l’on a défini les enjeux prioritaires pour l’entreprise, il y a un réel intérêt à se doter d’outils additionnels pour apporter la précision dont les équipes opérationnelles ont besoin. Ces compléments sont nécessaires pour zoomer et maintenir la pression dans l’organisation, afin d’éviter que la satisfaction client ne se dégrade. Il peut s’agir de mesures à chaud, mais aussi d’approches qualitatives, ou d’analyse du web qui est un vivier d’insights qu’il faut savoir apprivoiser.

Ces différents outils sont le plus souvent pas gérés par les mêmes équipes…

C’est vrai. Classiquement, les études gèrent le baromètre de satisfaction, alors que tous ces dispositifs opérationnels que nous venons d’évoquer sont dans les mains de la qualité, de l’expérience client ou d’autres directions dans l’entreprise. Mais c’est un enjeu important pour les responsables études de pouvoir intervenir en tant que garant de la cohérence du suivi. Même si elles ne pilotent pas ces outils opérationnels, elles ont tout intérêt — et l’entreprise aussi — à s’en préoccuper pour optimiser l’architecture globale du système d’information. RGPD oblige, il faut également que l’organisation soit en mesure de bien « manager » l’ensemble des sollicitations effectuées auprès des clients.

Je suis frappé, en tant que client, du nombre de fois où je suis sollicité pour des études de satisfaction focalisées sur des enjeux tellement précis que je ne peux pas exprimer ce qui me semble le plus important dans ma relation avec la marque…

C’est la conséquence d’une dérive qui devrait être un vrai point d’attention pour les marques. À trop vouloir être opérationnel, quitte à mesurer la performance de tous les collaborateurs en contact, on crée des effets pervers. D’où la nécessité de ce pilotage et de cette cohérence globale que nous venons d’évoquer, et qui apporte en plus un bénéfice important sur l’animation de la « culture client » en interne.

Voyez-vous un dernier point important à ajouter sur l’évolution des dispositifs pour mesurer la satisfaction client ?

L’enjeu de la prise en compte des émotions me parait devoir être évoqué. Les mesures à chaud ont tendance à surpondérer la dimension émotionnelle dans la satisfaction client. Et, de leur côté, les mesures à froid minorent ces effets quand elles n’en font pas complètement abstraction. Il me semble intéressant, dans le cadre des baromètres, de trouver la bonne façon de les intégrer, que ce soit par des questions ouvertes et l’analyse des verbatims, ou bien encore via des métriques un peu différentes, l’usage des émoticônes pouvant apporter des éclairages tout à fait pertinents.

Interview publiée avec l’autorisation de Market Research News. Retrouvez le dossier complet.
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Pascal Ferrero

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