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Marché de la réparation mobile 2023
Marché de la réparation mobile 2023

Marché de la réparation mobile 2023 : une pratique en plein essor en France

Près de 8 Français sur 10 envisageraient désormais de faire réparer leur smartphone en cas de panne. Le marché de la réparation mobile connaît en effet un véritable boom. Les facteurs qui sous-tendent ce phénomène sont nombreux et complexes et nos experts Télécoms se sont intéressés aux causes de ces nouveaux comportements des consommateurs.

Retour sur 5 éléments qui ont changé la donne.

1- La mise en place d’un indice de réparabilité

Depuis le 1er janvier 2021, les fabricants de smartphones ont l’obligation d’afficher à côté du prix du produit son indice de réparabilité. Celui-ci consiste en une note sur 10 prenant en compte différents critères, comme par exemple, la durée de mise à disposition sans frais de la documentation technique, la facilité de démontage de l’appareil, la durée et les conditions de mise à disposition des pièces détachées ainsi que leur prix. Les consommateurs peuvent ainsi faire leur choix en connaissance de cause.

Au moment du lancement de l’indice, au regard des performances d’autres équipements électriques et électroniques, les smartphones grand public faisaient souvent figure de mauvais élèves en matière de réparabilité : les produits étaient souvent difficiles à ouvrir, nécessitant des outils coûteux et difficiles à trouver, les pièces étaient souvent collées et en vente à des prix élevés… 2 ans plus tard, on constate que l’indice de réparabilité moyen des produits vendus a progressé.

Ce macaron a en effet joué à un triple niveau : côté consommateurs, il a contribué à orienter les choix vers des produits plus vertueux ; côté constructeurs, il a poussé à travailler sur l’éco-conception des terminaux ; et côté distributeurs, il a incité à mettre en avant les produits les mieux notés.

L’indice n’est cependant pas exempt de critiques : notation par les fabricants eux-mêmes, barème permettant de compenser facilement un mauvais score sur un des critères, caractère franco-français de l’indice moins incitatif pour les fabricants… La loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire) prévoit de le transformer en 2024 en indice de durabilité prenant en compte de nouveaux critères comme la robustesse ou la fiabilité des produits.

2- Une offre de réparation de plus en plus développée

En complément des très nombreux réparateurs indépendants, les 2 plus gros acteurs du marché WeFix et Save totalisent à eux deux plus de 300 boutiques en France, incluant des corners dans les grandes enseignes. Le consommateur peut ainsi accéder très facilement à des réparateurs experts, ayant en stock les pièces détachées nécessaires à la réparation des modèles les plus courants, pour une tranquillité d’esprit et un gain de temps maximal. WeFix promet ainsi « une réparation en 30 minutes dans 98% des cas ». Les opérateurs Télécom poussent également cette solution auprès de leurs clients, en mettant en avant des solutions express, avec garantie pendant 1 an, et souvent assorties de la possibilité de bénéficier d’un téléphone de prêt pendant la remise en état de l’appareil.

3- La promotion de l’auto-réparation

Partout sur la toile, on voit fleurir des tutos se proposant d’accompagner les consommateurs dans la remise en état de leur appareil. Ceux-ci rassemblent notices techniques, achat en ligne des outils et pièces détachées nécessaires, vidéos de démonstration pour faciliter l’auto-réparation.

Et les constructeurs eux-mêmes ne sont pas en reste. De nouveaux acteurs du marché se sont spécialisés dans la production d’appareils plus durables. Fairphone, par exemple, promet une durée de vie allongée par rapport à la plupart des smartphones, notamment grâce à une conception modulaire qui facilite la réparation : « On ne remplace que ce qui doit l’être. Comme aucune pièce n’est collée, vous pouvez le réparer vous-même ». Dans le même ordre d’idée, Apple a lancé en 2022 le programme Self Service Repair : en mettant à disposition des pièces, outils et manuels de réparation officiels, la marque à la pomme promet à ses clients d’effectuer eux-mêmes leurs propres réparations.

Malgré l’assistance proposée, la prise en charge en autonomie suppose une certaine dextérité et ne s’adresse sans doute pas à l’ensemble des clients. Néanmoins, ce type de propositions contribue à ancrer dans les esprits l’idée que le smartphone est un objet durable, qui peut être, sans trop de difficulté, remis en état de marche en cas de panne.

4- Avec le bonus réparation, un coup de pouce gouvernemental pour réduire le coût de la réparation

En décembre 2022, pour inciter les Français à donner une nouvelle vie à leurs appareils électriques et électroniques endommagés plutôt que de les jeter, le gouvernement a mis en place un bonus réparation. Le principe : le consommateur confie son lave-vaisselle, appareil-photo ou smartphone à un réparateur labellisé, qui lui offrira une remise de 10 à 45 euros selon le modèle concerné et le type de réparation à effectuer. Cette subvention est financée par l’Etat, grâce à l’éco-contribution appliquée sur tout achat d’un équipement neuf.

Destiné à inciter financièrement les Français à franchir le pas de la réparation, le démarrage du dispositif apparaît cependant décevant : l’enveloppe de 62 millions d’euros budgétée pour 2023 peine en effet à être redistribuée. Plusieurs écueils ont été identifiés :

  • Un nombre de réparateurs labellisés insuffisant. Les critères de labellisation fixés par les éco-organismes sont très contraignants et excluent, de fait, les boutiques de réparation de proximité. Les coûts d’adhésion vont donc être prochainement divisés par 2 pour les petites enseignes, tandis que les gros acteurs devraient être contraints de rejoindre le dispositif. L’agrément devrait également être accessible pour le dépannage à distance.
  • Une aide insuffisamment incitative, en particulier dans un contexte inflationniste qui a vu les coûts de la réparation augmenter. Les bonus ont donc été doublés pour atteindre 20 à 90€ à partir du 1er
  • Une exclusion du dispositif pour les appareils cassés par la faute de leur propriétaire, qui étaient très pénalisante s’agissant des smartphones puisque le principal motif de réparation est le remplacement de l’écran. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique vient cependant d’annoncer le 30 septembre dernier que la réparation d’un écran de smartphone donnerait droit à une aide dès le 1er janvier 2024. Le montant précis fait encore l’objet d’arbitrages, et sera déterminant puisque l’opération peut coûter jusqu’à 500€ pour certains modèles. Dans le même temps, Ecologic, éco-organisme qui fixe (avec d’autres), le montant de l’écocontribution facturée sur les appareils neufs, s’inquiète des conséquences de cette nouvelle prise en charge : elle pourrait entraîner un dérapage des dépenses liées au bonus, qui se répercuterait mécaniquement sur le prix des appareils neufs.

5- L’augmentation du prix des smartphones

Le prix des smartphones a connu ces dernières années une hausse très sensible. D’après la plateforme HelloSafe, le prix d’achat moyen d’un smartphone neuf est passé de 370 € en 2017 à 487 € en 2023, soit une augmentation de 31,6 % en 6 ans. Et les tarifs des modèles haut-de-gamme atteignent désormais des sommets, depuis le lancement de l’iPhone X à plus de 1000 dollars en 2017. En cause :  la sophistication croissante de ces équipements bien sûr, mais aussi, depuis 2020, la pénurie des composants et la hausse du prix des matières premières.

Dans un marché où le subventionnement du terminal par l’opérateur n’est plus le modèle dominant, les consommateurs sont très directement impactés par ces hausses de tarifs. Face à de tels coûts, ils sont plus enclins à chercher à prolonger la durée de vie de leurs équipements et se tournent plus volontiers vers la réparation lorsque leur téléphone tombe en panne. Plus le prix de l’équipement est élevé, plus il est avantageux de le remettre en état plutôt que de le remplacer.

Le cycle de renouvellement s’est donc allongé, passant de 2 ans à 3 ans en l’espace de quelques années, et c’est bien ce phénomène qui explique le boom de la réparation. Car dans le même temps, les téléphones ont gagné en solidité. Les écrans, principaux motifs de réparation, sont aujourd’hui mieux conçus et mieux protégés. En revanche, avec l’allongement de la durée de vie des smartphones, les batteries ne suivent pas et il est souvent nécessaire de les remplacer pour maintenir les performances des appareils.

Pour le marché de la réparation comme pour bien d’autres, c’est donc lorsque l’intérêt du consommateur désireux de maintenir son pouvoir d’achat a rejoint celui du citoyen soucieux de préserver l’environnement que les comportements ont évolué dans un sens plus durable.

Un mouvement à accélérer encore, quand on sait que selon une évaluation prospective publiée par l’Ademe et l’Arcep, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050. Au-delà de l’enjeu environnemental, majeur, c’est aussi la question de la disponibilité des métaux stratégiques qui est posée.
A côté du développement de l’achat de téléphone reconditionné, du recyclage et de la revente des appareils qui ne sont plus utilisés, la réparation est un des axes permettant de prolonger la durée de vie des terminaux et d’économiser les ressources.

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Contact chez Enov Research

Anne VALADOU

Directrice d'Activités Services